Notion de proposition
Une proposition est une phrase qui est soit vraie soit fausse.
Le sens des mots "phrase", "vraie", "fausse" est supposé connu... Attention, en mathématique, une proposition désigne un théorème d'importance "secondaire". Une proposition au sens mathématique est donc une proposition au sens logique, et qui est vraie.
La valeur de vérité (V ou F) d'une proposition peut dépendre d'un ou plusieurs paramètres, numériques ou autres.
Exemples :
3 est un nombre premier
n est un nombre premier
Paris est la capitale de la France
La ville V est la capitale de la France
0 n'est pas un nombre pair
0 est un nombre pair
L'équation en nombres entiers naturels x3 + y3 = z3 admet une solution
xn + yn = zn
32 + 42 = 52
Pour n entier naturel ³ 3, L'équation en nombres entiers naturels positifs xn + yn = zn n'admet pas de solution
Exercices : (vous pouvez m'écrire !)
1°) Sauriez-vous donner la valeur de vérité de chacune des propositions ci-dessus, en fonction éventuellement de la ou des valeurs du ou des paramètres qui y figure(nt) ? (Remarque : vous n'êtes pas obligé de répondre "oui" pour toutes les propositions...)
2°) Donner un exemple de phrase qui ne soit pas une proposition.
P et Q étant des propositions, on définit les valeurs de vérité des propositions :
P et Q
P ou Q
P implique Q (notation: P Þ Q)
P est équivalent à Q (notation : P Û Q)
Négation d'une proposition
Passez quelque temps à vous convaincre des règles opératoires suivantes :
La négation de (non P) est P
La négation de (P ou Q) est (non P) et (non Q)
La négation de (P et Q) est (non P) ou (non Q)
La négation de (P Þ Q) est (P) et (non Q)
Pour le dernier point : P Þ Q est la
proposition (non P) ou Q.
Sa négation est donc non( (non P) ou Q),
c'est à dire d'après les points précédents
: (non (non P)) et (non Q),
puis : P et (non Q).
"Au départ", on "choisit" un certain nombre de propositions dont
on admet sans démonstration qu'elles sont vraies : ce sont les axiomes,
ou postulats.
L'ensemble des axiomes ainsi choisis fondent une branche des mathématiques
et s'appelle l'axiomatique de cette branche.
La première axiomatique connue est celle de la
géométrie
euclidienne, fondée par Euclide dans son livre "les éléments".
Citons également l'axiomatique de Péano
pour les entiers naturels. (Giuseppe Péano, 1858-1932 ; on lui doit
aussi l'axiomatique des espaces vectoriels...) La théorie des probabilités
a été axiomatisée par Kolmogorov (1903-1987).
Ces exemples montrent que c'est l'axiomatique d'un domaine
mathématique qui naît de la pratique, et non l'inverse. D'autre
part, on ne choisit pas arbitrairement les axiomes, il faut qu'ils s'accordent
avec la pratique déjà existante...
A partir des axiomes et en utilisant les règles de logique usuelle,
(que l'on peut expliciter de diverses manières, et avec lesquelles
il est difficile de ne pas être d'accord...) on démontre des
théorèmes.
Un théorème est une proposition qu'on a démontré
être vraie, suivant le principe :
si P est vraie, et si (P Þ Q) est
vraie, alors Q est vraie
Ainsi :
Si P est un axiome et si (P Þ Q) est
vraie, alors Q est un théorème ;
Si P est un théorème et si (P Þ
Q) est vraie, alors Q est un théorème.
A noter qu'un bon nombre de théorèmes se présentent
eux-mêmes comme des implications (vraies !) La relation d'implication
(P Þ Q) est donc d'une particulière
importance...
* P et Q étant deux propositions, par définition, la proposition (P Þ Q) est fausse si P est vraie et Q fausse, vraie dans tous les autres cas.
* Tout d'abord, notons que si P est fausse, alors dans tous les cas, P Þ Q est vraie. Ainsi les propositions :
Bordeaux est la capitale de la France Þ 2 + 2 = 5
2 + 2 = 5 Þ 5 est un nombre premier
sont toutes les deux vraies.
Ceci peut surprendre, mais il est assez naturel de considérer
qu'à partir de prémisses fausses, on peut déduire
impeccablement n'importe quoi (principe du raisonnement paranoïaque).
C'est à Bertrand Russel (1872 - 1970) que l'on
doit la présentation formelle de la logique reprise ici de façon
naïve, sinon approximative... Un sceptique (qui n'était pas
l'archevêque de Canterbury...) lui dit un jour : Admettons que je
vous accorde que 2 + 2 = 5. Vous ne pourrez quand même pas me démontrer,
à l'intérieur de votre système, que cela implique
que je suis l'archevêque de Canterbury !
Rien de plus facile, lui répondit Russel. 2 +
2 = 5, donc 2 + 2 - 3 = 5 -
3, c'est à dire 1 = 2. Maintenant l'archevêque de Canterbury
et vous êtes deux personnes distinctes. Mais 2 est égal à
1, donc vous êtes la même personne...
* Autres formulations pour la relation P Þ Q. On peut formuler la proposition
P Þ Q
ainsi :
si P, alors Q (ou : Q si P )
P seulement si Q
P est une condition suffisante de Q
Q est une condition nécessaire de P
Ce qui correspond au sens courant des expressions considérées, les trois dernières méritant une méditation appropriée, quant à la position relative P et Q dans la phrase.. Mais il convient de prendre garde qu'une condition suffisante n'est en général pas nécessaire, et qu'une condition nécessaire n'est en général pas suffisante...
Voyons ceci sur un exemple tiré du cours : le théorème
( la série de terme général un converge ) Þ ( la suite (un) tend vers 0 )
peut se formuler ainsi :
Si la série de terme général un converge, alors la suite (un) tend vers 0
La série de terme général un converge seulement si la suite (un) tend vers 0
Pour que (un) tende vers 0 , il suffit que la série de terme général un converge
Pour que la série de terme général un converge, il est nécessaire que (un) tende vers 0
Mais attention :
Si la suite (un) tend vers 0 , alors la série de terme général un peut ne pas converger
Il se peut que la suite (un) tende vers 0 et que la série de terme général un diverge.
Pour que
la série de terme général un converge,
il est nécessaire,
mais
il
ne suffit pas que(un) tende vers 0
Pour que
(un) tende vers 0, il suffit,
mais
il
n'est pas nécessaire que la série de terme
général un converge
Exercices : 1°) exprimer les différents théorèmes suivants en termes de conditions nécessaire et suffisante :
Si f admet un extremum en (x0, y0), alors f 'x(x0, y0) = f 'y(x0, y0) = 0
L'image d'un intervalle par une fonction continue est un intervalle
Si f endomorphisme de R3 admet 3 valeurs propres, alors f est diagonalisable
Si Xet Y sont indépendantes, alors Cov(X, Y) = 0
et par des exemples appropriés, montrer que les conditions nécessaires ne sont pas suffisantes, et les conditions suffisantes pas nécessaires...
2°) Soit la proposition réputée vraie :
Si il pleut, pour sortir je prends mon parapluie
La pluie est-elle une condition suffisante pour que je prenne mon parapluie pour sortir ? Est-ce une condition nécessaire ? Le fait que je prenne mon parapluie pour sortir est-il une condition suffisante à la pluie ? Est-ce une condition nécessaire ? Prends-je mon parapluie pour sortir seulement si il pleut ? Pleut-il seulement si je prends mon parapluie pour sortir ?
A noter que condition nécessaire et condition suffisante sont
souvent confondues dans la vie de tous les jours... et que ce travers est
sciemment entretenu par la pub. Que pensez-vous de ce slogan du Loto national
: "100% des gagnants ont tenté leur chance" ?
Réciproque de la proposition
"P implique Q". Propositions équivalentes
Par définition, la réciproque de la proposition "P implique Q" est la proposition "Q implique P". D'après ce qui précède, on peut aussi formuler :
La réciproque de : si P, alors Q est : si Q, alors P
La réciproque de : P seulement si Q est :P si Q
La réciproque de : P est une condition suffisante de Q est : P est une condition nécessaire de Q
La réciproque de : P est une condition nécessaire de Q est : P est une condition suffisante de Q
Le paragraphe précédent montre clairement, du moins j'espère, que la réciproque d'une implication vraie n'est pas "nécessairement" vraie... Si c'est le cas, on dit que P et Q sont équivalentes :
La proposition
P et Q sont équivalentes (notée P Û Q )
peut se formuler ainsi :
P Þ Q et Q Þ P
P implique Q, et réciproquement
P est une condition nécessaire et suffisante de Q
P si et seulement si Q
Contraposée de la proposition P Þ Q.
* Par définition, la contraposée de la proposition
P Þ Q est la proposition (non Q) Þ
(non P). Contrairement à la réciproque, la contraposée
de P Þ Q lui est logiquement équivalente.
Ce qui se comprend intuitivement : Si P Þ
Q est vraie, et si on n'a pas Q, alors on ne peut avoir P, car si on avait
P, on aurait Q...
On peut s'en convaincre de façon plus formelle
en se souvenant que la proposition P Þ
Q est par définition la proposition (non P) ou Q. Par conséquent
La proposition : (non Q) Þ (non P) est
la proposition : (non (non Q)) ou (non P), c'est à dire Q ou (non
P), c'est à dire (non P) ou Q, c'est à dire P Þ
Q...
* Les contraposées de certains théorèmes du cours (contraposées qui sont donc vraies), sont d'une importance particulière. Ainsi, il est vrai que :
( la série de terme général un converge ) Þ ( la suite (un) tend vers 0 )
Par conséquent, il est vrai que :
( la suite (un) ne tend pas vers 0 ) Þ( la série de terme général un diverge )
Pratiquement, cela veut dire que si on étudie la convergence d'une série, la pemière chose à faire est de voir si le terme général de la série tend vers 0 ; si cela n'est pas le cas, on est assuré que la série diverge.
A noter que la contraposée de la proposition (vraie) :
( la série de terme général un converge ) Þ ( la suite (un) tend vers 0 )
est vraie, mais que la réciproque :
( la suite (un) tend vers 0 ) Þ ( la série de terme général un converge )
est fausse : si la suite (un) tend vers 0, il faut
continuer ses investigations...
* De la même manière, du théorème suivant :
Si f admet un extremum en (x0, y0), alors f 'x(x0, y0) = f 'y(x0, y0) = 0
on déduit la règle pratique suivante, pour la recherche des extrema d'une fonction de deux variables f :
Si ( f 'x(x0, y0) , f 'y(x0, y0) ) ¹ ( 0 , 0), alors f(x0, y0) n'est pas un extremum
ce qui élimine un bon nombre de possibilités... mais pas
toutes ! si f 'x(x0, y0) = f 'y(x0,
y0) = 0 (et seulement dans ce cas là !), alors f(x0,
y0) peut être un extremum de
f, et il faut (il suffit ?) continuer ses investigations...
Le raisonnement par contraposée consiste à démontrer que la proposition : P Þ Q est vraie en démontrant que la contraposée : (non Q) Þ (non P) est vraie. Voyons ceci sur des exemples :
1°) Pour démontrer :
Un polynôme de degré n (n entier naturel ) admet au plus n racines distinctes
On établit le résultat plus général :
Un polynôme non nul de degré £ n admet au plus n racines distinctes
en démontrant la contraposée de cette proposition :
Un polynôme qui a plus de n racines distinctes est de degré > n
démonstration qui se fait en utilisant le théorème fondamental sur les polynômes, voir dans le lexique...
2°) Pour démontrer :
Soit A et B deux matrices carrées telles que A ´ B = 0 et B ¹ 0 ;
Alors A n'est pas inversible.
On démontre la controposée :
Soit A et B deux matrices carrées telles que A ´ B = 0 et A inversible ;
Alors B = 0.
Dem :
A ´ B = 0 et A inversible, donc A
-1´
(A ´ B) = A-1´
0, donc (A-1´
A) ´ B = 0, donc I ´
B = 0, donc B = 0.
Pour démontrer par l'absurde qu'une proposition P est vraie, on suppose qu'elle est fausse, c'est à dire qu'on incorpore à l'ensemble des axiomes mathématiques un nouvel axiome, (non P). Dans cette nouvelle mathématique on montre alors qu'il existe une proposition Q contradictoire, c'est à dire telle que Q et (non Q) soit vraies. Une telle proposition est à rejeter : on sait depuis bien longtemps que si il existe une proposition contradictoire, alors toutes les propositions le sont : l'horreur ! La nouvelle mathématique, créée pour les besoins de la cause, est donc à rejeter. Comme, en dehors de l'axiome (non P) que l'on a rajouté, tout va bien (s'il y avait un problème, ça se saurait...), la seule solution est de rejeter l'axiome (non P), c'est à dire que considérer que (non P) est fausse, donc que P est vraie.
Exemples :
1°) Démontrons par l'absurde la proposition suivante :
Soit f un endomorphisme de Rn.
Alors f admet au plus n valeurs propres distinctes.
Dem : Supposons que f admette p valeurs propres distinctes l1,
l2,
... , lp, avec p > n. Alors d'après
le théorème
La famille (u1, u2, ... , up) est
libre ET La famille (u1, u2, ... , up)
n'est pas libre (car une famille libre de Rn a au plus
n éléments.)
Contradiction !
Donc f admet au plus n valeurs propres distinctes.
2°) Démontrons par l'absurde la proposition suivante :
Soit A et B deux matrices carrées telles que A ´ B = 0 et B ¹ 0 ;
Alors A n'est pas inversible.
Dem. Supposons que A soit inversible.
A ´ B = 0, donc
A- 1´(A
´
B) = A-1´0,
donc
(A -1 ´A)
´
B = 0, donc
I ´ B = 0, donc
B = 0.
B = 0 et B ¹ 0 : contradiction !
Donc A n'est pas inversible.
Remarque : Ceci n'est pas à proprement parler une
démonstration par l'absurde, mais bien une démonstration
par contraposée (voir plus haut la démonstration par contraposée
explicite). En effet :
Pour démontrer par contraposée P Þ
Q, on démontre (non Q) Þ (non P).
Pour démontrer par l'absurde P Þ
Q, on démontre P et (non Q) Þ R
et (non R)
avec R distincte de P.
La première démonstration est donc bien une vraie démonstration
par l'absurde, pas la seconde.
3°) Démonstration de l'irrationnalité de Ö
2.
Une démonstration par l'absurde semble toute indiquée
dans ce cas-là : un nombre rationnel est un quotient de deux nombres
entiers, un nombre irrationnel est donc par définition un nombre
qui n'est pas le quotient de deux nombres entiers, et c'est tout
ce qu'on en sait au départ...
Je vous propose de cliquer
ici pour faire apparaître cette démonstration, d'une importance
culturelle capitale ; elle fait rentrer au coeur de la problématique
de l'existence des êtres mathématiques.
L'irrationnalité de Ö 2 semble
avoir été connue de Pythagore ; ce résultat a été
longtemps tenu secret par l'école pythagoricienne, car il contredisait
la philosophie de cette école (ou secte...) : l'univers est régi
par les nombres, au sens de nombres entiers.